
NOVEMBRE 2020
Chasse familiale à l'orignal
Région : Bas Saint-Laurent
Bande RustiQC : Samuel, Laurent, Jean, Isa
RÉCIT D'UNE CHASSE
Par Samuel Matte-Thibault
Dans mes quelques 15 années d’expérience à la chasse à l’orignal, ce qui m’impressionne encore, c’est à quel point tout peut être imprévisible.
On a beau se faire des scénarios dans nos têtes, pratiquer telle ou telle technique, prévoir l’imprévisible… ça ne change pas. Ce n’est jamais comme on l’avait prévu.
La beauté dans tout cela, c’est l’apprentissage que l’on fait, en regardant nos succès et nos erreurs de chasseur. Chaque année, je sors grandi de ma chasse, avec plus de connaissances et d’expériences.
Voici le récit de ma chasse 2020.

1ER NOVEMBRE
Je prends la route pour rejoindre une pourvoirie du Bas Saint-Laurent. J’y passerai les 5-6 prochains jours avec ma famille dans le but de chasser un orignal.
Le temps est froid. Je franchis les 450 km me séparant de notre campement facilement. J’arrive à destination à la nuit tombante. Il y a 1 cm de neige au sol.
J’y retrouve Laurent, ainsi qu’Isa et Jean, nos parents. Depuis maintenant une quinzaine d’années, nous chassons chaque automne en famille. C’est une tradition familiale.
Nous aurons la chance de chasser sur l’ensemble du territoire de la pourvoirie. Tous les autres chasseurs sont partis. Nous serons seuls, avec quelques employés de la pourvoirie tout au long du séjour.
Je suis excité à l’idée de traquer ce majestueux cervidé. Nous avons le droit à la femelle et au veau. Pas de buck pour nous cet automne. De toute façon, nous chassons pour la viande.
Le territoire de la pourvoirie est bien aménagé pour l’orignal. On y retrouve une concentration élevée d’orignaux. Près de 40 orignaux au 10 km carré. C’est un des meilleurs endroits pour chasser au Québec. Ça ajoute à la confiance, mais aussi, ça ajoute une certaine pression.
On verra bien ! Je suis en vacances, dans la forêt, avec mes proches. Quoi demander de mieux ?!?
Demain, il annonce une tempête de neige. Entre 15 et 20 cm, avec de forts vents. En famille, on prend la décision de commencer notre chasse une fois la tempête terminée. On devra tout de même ajuster nos carabines et faire un peu de prospection dès demain.
Apprentissage de la journée
L’importance des vêtements. Toujours privilégier la laine ou le polar. Il n’y a rien de plus silencieux en forêt. Ne pas chasser avec les "kits" de chasse qu’on trouve en magasin. Une bonne paire de culottes de laine et un bon polar, ou une chemise de laine. Le dossard doit être en polar ou laine aussi.
La photo : L'auberge de la pouvoirie


2 NOVEMBRE
Je suis debout à 4h30 du matin. J’ai trop hâte de chasser. Même si nous n’irons pas aujourd’hui, je me lève et commence ma journée.
Une fois toute la famille debout et le petit déjeuner engloutis, nous partons faire un peu de prospection sur le territoire, avant que la tempête de neige devienne trop forte.
Nous nous promenons en camion sur différente zone. Je constate rapidement que le territoire est plein de bûchers récents. J’imagine que même si nous sommes tard en saison, l’orignal s’y trouvera à l’aube, mangeant les repousses des petits érables rouges. Nous ne voyons toutefois pas de trace ni d’orignaux.
Après le dîner, nous partons ajuster nos carabines au champ de tir sous les rafales de vent et les précipitations abondantes de neige.
Tout se passe bien, sauf pour moi. Je chasse avec la vieille .308 de mon père. Il semble que mon télescope est non ajustable. Je tire presque toute ma boîte de balles, sans changement.
Je décide donc de me garder 6 balles et verrai avec mon frère si la pourvoirie n’a pas une carabine à me prêter.

De retour à notre auberge, nous nous préparons pour notre première journée de chasse prévue le lendemain. Le soleil se lève à 6h et se couche à 16h10. Nous devrons donc être à l’affut dès 5h30 demain matin.
En soupant, nous rencontrons quelques guides de la pourvoirie. L’un d’entre eux me prêtera sa carabine pour notre séjour. Je n’ai donc plus à me tracasser avec mon télescope.

Apprentissage de la journée
Il faut tirer souvent avant la chasse. Dans toutes les positions, pour s’assurer de bien maîtriser son arme. Ne pas juste l’ajuster. Acheter au moins 2 boîtes de balles et tirer pour réduire le stress pendant la chasse.
Orignaux vus : 0
La photo : Isa au petit déjeuner

3 NOVEMBRE

Lever à 4h du matin. On déjeune en vitesse et on se prépare pour notre premier matin.
Par expérience, les matins, c’est souvent là que c’est le meilleur pour la chasse à l’orignal.
Au sol, il y a une douzaine de centimètres de neige et il fait -12 Celsius.
En route !
Mon frère et moi allons visiter la meilleure zone de la pourvoirie ce matin (celle où il s’est tué le plus d’orignaux cet automne) et mes parents iront dans une zone adjacente. Ainsi, nous pourrons nous parler au radio.
Nous arrivons, Laurent et moi au lever du jour à l’endroit où nous voulons chasser. Nous visiterons 4 bûchers différents dans une section de montagne de forêts matures.
Nous débarquons à environs 300 mètres du premier bûcher et partons à pied, tranquillement, voir si nous n’aurions pas des orignaux en visuel. Il y a des pistes fraîches sur notre chemin. C’est bon signe.
Arrivé au bûcher, il n’y a pas d’orignaux. Nous marchons plusieurs heures dans les chemins, passant de forêts matures à bûchers. Nous voyons plusieurs traces, mais impossible d’avoir un visuel.
Nous décidons de frotter un sapin avec une corne de buck, et d’y mettre un peu d’urine. Peut-être cela fera réagir une femelle orignal.




Nous nous positionnons donc un peu plus loin et attendons, mais rien ne se produit.Vers 10h45, nous retournons au camion et direction auberge pour le dîner.
Entre deux bouchées, Isa et Jean nous racontent leur matin. Ils ont vu 4 orignaux. Tous des mâles. Il y en a même un qui s’est approché à moins de 50 mètres lorsque Jean imita un petit mâle adulte. De belles observations qui donnent confiance. Il y a de l’orignal dans le secteur.

Nous changeons de zone en après-midi. Nous allons tous dans la même zone pour pratiquer la chasse fine. Nous partirons en forêt pour tenter de traquer l’orignal dans son habitat. Nous nous séparerons tous, mais marcherons dans une section de forêt parallèlement, à environ 500 mètres les uns des autres.
Je rentre en forêt et trouve rapidement des pistes fraîches. Je décide de les suivre, en ne suivant plus l’itinéraire que je prévoyais. Selon moi, il s’agit d’un veau avec une femelle.
Je marche doucement en forêt et dès que j’ai l’impression de faire trop de bruit, je fais quelques rots de mâle pour me faire passer pour un orignal.
Après 1h, je tombe sur des couches plus ou moins fraîches. Je continue de suivre les pistes et quelques minutes plus tard, je trouve deux autres couches beaucoup plus fraîches. Je me mets donc à l’affut. Je marche plus doucement et trouve des crottes fraîches et encore chaudes…




Puis, je l’aperçois entre les arbres. La femelle et là à 75 mètres. Son veau plus loin derrière. Elle me regarde dans la forêt d’épinettes denses. Je ne vois que sa tête. Je prends mon fusil et elle se met à marcher et s’éloigner doucement. Je fais un petit son de mâle.
Je tente de la retrouver. Je la vois un peu plus loin, à 150 mètres cette fois-ci. Elle me regarde et part rapidement. Je suis détecté. J’ai raté mon coup. Je constate par contre qu’elle se dirige vers Jean. Je le contacte au radio. Il n’est pas loin de moi. Il décide de se mettre à l’affut. Je continue donc à suivre les pistes du veau et de la femelle pour les rabattre vers Jean.
Malheureusement, les deux orignaux changeront de cap et passeront à 300 mètres de mon père.
Le soir, de retour à l’auberge, nous prenons un petit verre en sachant que nous avons manqué une belle occasion de récolter cet après-midi.
Demain sera une meilleure journée… on l’espère !
Apprentissage de la journée
En chasse fine, imiter le buck. Faiblement, mais constamment. Si une branche casse, faire un petit rot. Si on frotte dans les branches notre habillement, arrêter et frotter sa corne en rotant pendant 3-4 minutes. Dans le doute, un orignal se sauve… même si c’est un vrai orignal qui arrive. On est donc mieux de s’annoncer pour éviter le doute de la bête.
Orignaux vus : 6
La photo : Samuel et Laurent qui frottent un sapin


4 NOVEMBRE
Ce matin, il fait -20 Celsius. La neige craque sous nos pas. Il n’y a pas de vent. Ce ne sera pas facile de chasser dans ces conditions.
Nous quittons tout de même assez tôt pour aller explorer une nouvelle zone. En chemin, alors qu’il fait encore noir, mon frère et moi apercevons 2 orignaux dans un bûcher. Nous décidons de nous stationner plus loin, et de revenir à pied alors que le soleil se lève.
La neige est trop craquante… chaque pas fait un vacarme et nous trahit. De retour au bûcher, les 2 orignaux sont rendus au fond de celui-ci, dans la bordure d’arbres, à 500 mètres de nous. Impossible de tirer. Et après 2 minutes, ils fuient dans la forêt mature.
Nous changeons donc de secteur. Mon frère ira marcher dans une forêt de feuillus et moi, j’explorerai un bûcher et ses environs. J’y trouve plusieurs couches et des pistes fraîches. Par contre, impossible de pratiquer la chasse fine. C’est beaucoup trop bruyant.

Laurent, quant à lui, tombe sur une femelle en plein chemin. Dès qu’elle le voit, elle se précipite en forêt. Plus loin, il croise une autre femelle, mais vraiment trop loin pour tenter quoi que ce soit.
Nous retournons donc à l’auberge pour faire un plan pour l’après-midi.
Nous décidons de retourner au même endroit, mais d’y faire une battue à 4. Comme la neige est bruyante, deux chasseurs seront positionnés à des endroits précis, tandis que 2 autres iront en forêt pour rabattre les orignaux vers les deux tireurs.
Malheureusement, les orignaux ne sont pas au rendez-vous. Nous retournons donc, à la noirceur au camion, sous le son des cris des coyotes et d’une femelle orignal qui émet un son plaintif.
Nous reviendrons ici demain !





Apprentissage de la journée
Si on fait trop de bruit, ça ne sert à rien de se promener. On doit privilégier la chasse à l’affut. Quand le sol est gelé, quand ça craque et que nous même on trouve que ça craque fort… chasser à l’affut, ou faire une battue.
Orignaux vus : 4
La photo : Jean au coucher du soleil

5 NOVEMBRE
Ce matin, on change la dynamique. Je pars avec Jean, alors que Laurent part avec Isabelle. Jean et moi retournons à l’endroit où nous avons entendu une femelle hier soir.
En chemin, nous tombons sur des pistes fraîches dans la mince couche de neige qui est tombée durant la nuit. Nous comptons 4 pistes différentes. Je décide de partir à la poursuite de ces pistes en chasse fine, laissant Jean aller plus loin.

PISTES QUE JE DÉCIDE DE SUIVRE
Je suis donc les pistes en pleine forêt. Je tombe rapidement sur un bûcher. Les pistes longent la bordure de bois en lisière du bûcher. Je marche tranquillement, j’ai un bon sentiment ce matin. Je ne fais pas de bruit, il vente un petit peu. Les conditions sont bonnes.
Tout à coup, j’entends un panache d’orignal frotter sur un sapin plus bas. J’écoute, m’approche lentement. Je suis les traces aussi lentement qu’un escargot. Dès que je casse une branche, je fais un petit rot de mâle, à très faible intensité.
Je trouve un sapin frotté, un deuxième. Je m’approche à l’affut. Rien. Les pistes retournent en forêt. Je décide de les laisser un peu pour essayer de les prendre à revers.



Je fais donc 200 mètres dans un chemin de terre a plus grande vitesse, afin d’avoir le bon vent pour retrouver mes orignaux que je piste depuis ce matin. Une fois de retour en forêt, je réalise que les pistes que je suivais ne sont pas encore parvenues à mon niveau. Les orignaux sont donc entre l’endroit où je les ai quittés, et l’endroit que je suis présentement.
Je marche donc le vent de face en direction de l’endroit que j’estime retrouver les bêtes. Après environs 30 minutes, je retrouve les pistes. Elles montent dans la montagne. Je me mets donc à les suivre. Il y a des crottes fraîches sur mon chemin. Du poil à plusieurs endroits. Je sens que j’approche.
Arrivé au sommet, j’arrive dans une tale d’érable rouge. C’est plus dégagé que partout ailleurs. Je croise des couches. Je décide de prendre mon arme en main, plutôt qu’en bandoulière, car j’ai vraiment le sentiment que je pourrais croiser les cervidés à tout moment.
Justement, après 2-3 minutes à circuler dans le secteur, j’aperçois 2 taches noires à 75 mètres. J’arrête. Observe doucement. 2 orignaux mâles sont là, devant moi, à portée de tir. J’ai le vent pour moi. Ils me regardent, mais ne réagissent pas à ma présence.
Nous n’avons pas le droit de tuer des mâles. Je reste donc sur place, à les observer. Ils font de même. Cette observation dure environ 10 minutes et se termine brusquement.
Tout à coup, j’entends une femelle orignal faire un cri plaintif un peu plus loin. Les deux bêtes tournent leurs oreilles, puis leur tête en cette direction. Ils se mettent en route vers la femelle.
Ne sachant pas quoi faire, j’imite le mâle. Je gratte ma corne sur un sapin en faisant des petits rots. Puis, après 3-4 minutes, je me mets en marche vers le cri de la femelle.
Quelques centaines de mètres plus loin, je croise mes traces du matin. Je constate que les mâles se dirigent vers ma gauche, alors que plusieurs autres pistes qui n’étaient pas là ce matin descendent la montagne. Je décide de suivre les nouvelles pistes.
Je ne fais pas 100 mètres que je vois ma proie. En fait, je devrais dire mes proies. 3 femelles sont devant moi, me faisant dos et ayant la tête en ma direction. Je n’ai plus le vent pour moi. Une d’entre elles lance un cri d’alerte. Elles se sauvent au galop. Tout ça en 10 petites secondes.
J’ai raté mon coup. Je les ai fait fuir. Mon odeur a trahi ma traque de 4 heures de ce matin. Je regarde ma montre. Il est près de 11h. Je décide donc de retourner au camion, sachant que lorsqu’on fait fuir des orignaux, les chances de les revoir sont pratiquement nulles.
Je marche 30 minutes et retrouve le camion. Mon père me contacte. Il veut que j’aille le chercher plus loin. Je pars donc le chercher.
Quand j’arrive à 100 mètres de lui et qu’il est dans mon champ de vision, je le vois épauler sa carabine. Il me fait un signe pour que je stoppe le camion. Je viens de faire sortir un mâle et une femelle de la forêt, juste en avant de mon père avec le camion.
Mais les orignaux rebroussent chemin. Rentrent au galop dans la forêt. Nous tentons tant bien que mal de les rattraper… impossible.
Encore un coup raté…
Jean et moi retournons donc à l’auberge pour dîner, conscient d’avoir raté de bien belles chances ce matin.

En dînant, Isa et Laurent nous apprennent avoir vu un mâle de très près dans un bûcher pendant une quinzaine de minutes, ainsi qu’une femelle au loin dans le même bûcher… Trop loin pour tenter un tir sans risquer de la blesser.
Pendant la chasse de l’après-midi, il ne se passe rien. Tout est tranquille et la chaleur revient faire surface… il fait maintenant 15 degrés.
La bonne nouvelle de la journée, c’est que le propriétaire de la pourvoirie, ainsi qu’un guide ont tué un veau et une femelle aujourd’hui. Nous mangeons donc du cœur, du foie et des rognons de veau pour souper, entre les histoires de succès et d’échecs de la journée.





Apprentissage de la journée
L’importance d’avoir de bonnes bottes légères et silencieuses en chasse fine. Éviter les grosses bottes en caoutchouc. Il faut vraiment faire attention au bruit. Privilégier les bottes minces, pas trop larges, légères. Chaque pas en forêt compte.
Orignaux vus : 9
La photo : Femelle orignal au loin dans le bûcher... trop loin !

6 NOVEMBRE
Il fait chaud ce matin. Environ 6 degrés. Nous partons vers les mêmes secteurs que ceux que nous avons chassés lors de la première journée de notre aventure.
Laurent et moi, une fois sur place, constatons que notre sapin frotté d’il y a 3 jours est maintenant complètement frotté par les orignaux. Il est couvert de poils et il y a des pistes fraîches partout.
Nous marchons donc doucement, sans faire de bruit, vers le bûcher supposé être le meilleur de toute la pourvoirie. C’est une marche de 1 heure qui nous attend entre bûchers et forêts d’épinettes matures, en pleine montagne.
Alors que nous nous approchons de notre objectif, nous ne prenons pas conscience que nous avons accéléré le pas. Nous marchons maintenant à bon rythme.

En arrivant au bûcher, nous tombons sur une femelle à moins de 50 mètres de nous. Elle nous a flairés, ou bien entendus, mais elle part rapidement au galop. Laurent lève sa corne, fait un rot. La femelle stoppe sa course. Elle nous regarde.
Je m’épaule, enlève le cran de sécurité de ma carabine… elle repart dans le bûcher à la course. Encore une belle chance de ratée… Laurent et moi sommes déçus. Si nous avions gardé notre rythme lent, nous aurions fait moins de bruit et nous l’aurions probablement eu.
Débités, nous repartons vers un autre secteur en coupant par le bois mature. Nous recevons alors une communication radio de Jean, qui ce matin est partie sur une piste fraîche.
L’orignal qu’il suit se dirige vers nous. Laurent et moi allons donc nous positionner à des endroits stratégiques.
Après quelques minutes d’attentes, l’orignal suivi change de cap. Je pars donc via les chemins de terre pour tenter de l’intercepter.
Je sais qu’Isa est déjà positionnée à un endroit précis. En marchant une trentaine de minutes à bons pas, je la retrouve.
Jean nous contacte. Il est dans un vieux chemin forestier, il suit la piste encore très fraîche. Il nous signale que le chemin débouchera sur un autre au peu plus loin. Isa et moi allons donc rapidement nous positionner.
Nous y sommes, prêts à faire feu. Mais au lieu de voir un orignal sortir de la forêt, c’est plutôt Jean qui apparait. Nous sommes donc arrivés trop tard. L’orignal est reparti en pleine forêt.

Nous sommes de plus en plus déçus. Il semble que tout ce que nous faisons ne fonctionne pas quand c’est le moment de « closer »…
Nous décidons d’aller rejoindre Laurent en camion. Puis, nous irons finir notre journée dans un autre secteur que nous n’avons pas encore chassé.
En route, je vois 2 orignaux en plein bois mature. Je crie à Laurent de stopper le camion. Il s’exécute. Je sors en vitesse, attrape ma carabine, y mets mon chargeur.
Je m’épaule. À ce moment, le camion de mes parents arrive. Les orignaux décampent. Ça ne se peut pas… encore raté.
Je suis fâché. Déçu. C’est à ce moment que n’importe quel chasseur peut perdre confiance. Quand tout va mal. Je tente de garder la tête froide, mais bon sang que c’est difficile.
Nous repartons donc vers le nouveau secteur. Nous nous séparons tous, sans succès. Sous le beau coucher du soleil, nous nous disons qu’il nous reste qu’une journée pour y arriver…




Apprentissage de la journée
La technique de frotter un sapin avec une corne enduit d’urine mâle fonctionne vraiment. Si on le fait, il faut revenir à cet endroit, être patient et ne pas laisser plusieurs jours s’écouler avant de revenir.
Orignaux vus : 6
La photo : Poils d'orignal sur le sapin frotté par Laurent et moi


7 NOVEMBRE
Ce matin, je pars seul. Mon frère reste couché. En plus il doit fermer l’auberge pour l’hiver. Jean et Isa partent de leur côté.
Je décide de retourner à l’endroit où j’ai vu 5 orignaux il y a 2 jours. Ce matin il vente beaucoup et donc, ce sera bon pour la chasse fine.
Je parcours les kilomètres me séparant de l’endroit visé en croisant des bûchers vides. C’est normal. Avec ce vent, les orignaux seraient stupides de rester dans des endroits ouverts.
Je commence donc ma chasse fine en utilisant la technique d’imitation du buck. À tous les 10-15 mètres, je rot et gratte doucement un arbre avec ma corne enduite d’urine de mâle.
Après 45 minutes, 1 h, j’entends un coup de feu. Je continue tout de même mon chemin, ne sachant pas qui a tiré.
C’est à ce moment que pas très loin, j’entends une femelle orignal répondre à mes imitations de buck. Je continue donc mon chemin vers la réponse que j’ai eu. Doucement. Très doucement, prêt à faire feu.
Mon père m’appelle alors. Il m’annonce avoir tiré sur une femelle il y a 10 minutes. Il me demande d’aller le rejoindre pour commencer les recherches de la femelle qu’il a abattues.
Heureux, je quitte mon secteur et parcours les dizaines de kilomètres qui me séparent de lui.
Une fois réunis, Isa, Jean et moi attendons une bonne heure avant de partir en recherche, histoire d’être certains que la bête est morte avant de la retrouver.

Après 1 heure de longue attente, nous commençons nos recherches. Nous trouvons rapidement du sang. Nous suivons les traces dans la sphaigne et la neige. Nous cherchons, cherchons, mais après plusieurs centaines de mètres, nous n’arrivons pas à retrouver notre bête.
Jean est pourtant certain d’avoir frappé l’orignal correctement. Nous continuons un peu nos recherches, mais la trace devient de plus en plus difficile à suivre, car la neige fond rapidement.
Nous décidons de revenir au camion et de faire appel au chien de sang.
Nous laissons donc un bon 4 heures se passer et nous retournons dans la forêt avec le chien et le propriétaire de la pourvoirie.
Jean est découragé. Il a peur d’avoir raté son tir… d’avoir juste blessé la bête. Il a pourtant plusieurs orignaux à son actif, sans jamais avoir raté son coup. Je tente de le rassurer, mais je suis conscient que la tension tombera seulement lorsque l’animal sera retrouvé.
Après 30 minutes de recherche avec le chien, nous trouvons une couche fraîche avec beaucoup de sang. L’orignal n’est pas là par contre. Il poursuit sa course et se dirige vers une rivière qui sépare la pourvoirie de la réserve faunique.
Nous décidons de laisser encore du temps à l’orignal pour espérer qu’il se couche avant d’arriver à la rivière. S’il va se jeter à l’eau, il sera très difficile de retrouver sa trace, même avec le chien de sang.

Nous allons donc dîner à l’auberge à 14h. Jean a tiré à 7h20 ce matin. Le guide de chien de sang est assez certain qu’il s’agit d’une balle de foie. Nous avons toutefois peur que l’orignal ait traversé la rivière (assez grande et haute) et est allé mourir dans la réserve faunique.
À 15h30, je repars seul avec le guide de chien de sang. Jean restera à l’auberge se calmer. Il est si mal en ce moment. Nous n’avons jamais blessé une bête. C’est la première fois et ça pèse lourd sur le groupe… encore plus sur le tireur.
Nous pratiquons la chasse dans le plus grand respect de l’orignal. C’est la viande qui nous intéresse, mais aussi le temps en forêt passé en famille. L’expérience de traquer une bête et de tenter de la déjouer.
De retour à l’endroit où nous avions arrêté les recherches plus tôt, je reste seul dans le camion et laisse le guide partir avec son chien. La noirceur est proche de tomber. Nous avons demandé la permission à la réserve faunique d’aller faire des recherches sur son territoire.
J’attends donc dans le camion et espère retrouver l’orignal. Après 1h, le guide revient avec son chien… bredouille.
Il m’explique que l’orignal a traversé la rivière, mais qu’il n’a pas retrouvé sa trace de l’autre côté. Il a surement marché plusieurs centaines de mètres dans l’eau. Le chien ne peut plus retrouver sa trace. Le guide a marché près de 200 mètres des deux côtés de la rivière à la recherche de sang, sans succès.
Nous retournons donc à l’auberge. Laurent, Isa, Jean et moi sommes complètement abattus. C’est la première fois que nous ratons un orignal. Jean trouve cela particulièrement difficile.
Nous tentons tant bien que mal de l’encourager, mais nous savons tous que cette expérience restera gravé dans sa mémoire et dans la nôtre longtemps.
Dans ma jeune vie, j’ai appris que pour devenir compétent dans quelque chose, ça prenait un mélange de 2 choses.
Des connaissances. Il faut apprendre des choses, des savoirs sur un sujet. Cette semaine, nous en avons fait une tonne de connaissances.
De l’expérience. Et de l’expérience, c’est réussir ou rater son coup, et en tirer des apprentissages. Je considère avoir plus d’expérience après une journée comme aujourd’hui, ou comme une semaine comme celle-ci.
Ce n’est qu’en mélangeant connaissances et expériences qu’on peut aspirer à devenir compétent dans quelque chose.
Malgré l’échec, notre groupe de chasseur est maintenant plus compétent que jamais. Nous aurons un goût amer longtemps dans la bouche, mais nous pourrons bâtir sur cette expérience riche que nous avons vécue cette semaine.

Apprentissage de la journée
Stopper les recherches si on ne retrouve pas notre bête dans les 200 mètres entourant le tir. Lui donner plus de temps 2 à 4 h. Si la bête ne se couche pas dans les 200 mètres, c’est que ce n’est pas un tir de poumon ou de cœur et que ça peut prendre plus de temps. Il faut lui en laisser pour éviter de la faire fuir trop loin.
Orignaux vus : 2
La photo : La fenêtre de tir

8 NOVEMBRE
Il est temps de partir. Une belle surprise nous attend ce matin. Le propriétaire de la pourvoirie ainsi que le guide qui a tué plus tôt cette semaine ont décidé de nous donner la moitié de leur femelle et de leur veau. Nous aurons donc de la viande à manger cet hiver.
Nous les remercions chaleureusement et quittons le cœur lourd et la tête pleine de souvenirs impérissables.
UNE AVENTURE EXTRÊME SIGNÉE RUSTIQC



